Un « murus gallicus » découvert dans l’Allier
Près de Hérisson dans l’Allier, le dégagement de la porte principale
d’une forteresse a révélé l’appareillage intact d’un mur gaulois. Le
mieux conservé jamais retrouvé!
Les Gaulois construisaient un type particulier de rempart : le murus
gallicus. À Hérisson dans l'Allier, les archéologues de l'Association
pour la recherche sur l'âge du Fer en Auvergne viennent de retrouver la
porte principale d'une forteresse du peuple des Bituriges. Sa structure,
intacte sur deux mètres de hauteur, intègre le murus gallicus le mieux
conservé retrouvé à ce jour.
Les recherches menées à Hérisson ont d'abord visé à restituer la ville
gauloise de Chateloy. D'une superficie de 75 hectares, cette forteresse
occupe un promontoire surplombant la vallée de l'Aumance, à 25 kilomètres
au Nord-Est de Montluçon. Encore visibles, ses puissantes fortifications
prennent la forme d'une imposante levée de terre de 800 mètres de long.
Par balayage laser aéroporté et prospection géophysique, les archéologues
ont d'abord révélé la structure du site, notamment des traces de
constructions denses sur plus de trois hectares, un réseau de voies
dallées, divers îlots d'habitations et l'incontournable sanctuaire.
Autant de structures, qui, d'ailleurs, se devinent quand on survole le
site avec Google Earth…
Toutefois, le volet principal de la recherche est la fouille intégrale de
la porte principale de cette vaste fortification. Après trois campagnes
mobilisant des dizaines d'étudiants, et le déplacement de centaines de
mètres cubes de matériaux, la porte d'entrée de la ville est entièrement
révélée et livre son histoire. Ses pans intègrent un murus gallicus
particulièrement soigné et ostentatoire, très bien conservé sur deux
mètres de haut. Voici comment Jules César décrivait ce type de mur dans
le livre VII de la Guerre des Gaules:
Tous les murs gaulois sont faits, en général, de la manière suivante. On
pose sur le sol, sans interruption sur toute la longueur du mur, des
poutres perpendiculaires à sa direction et séparées par des intervalles
égaux de deux pieds. On les relie les unes aux autres dans l'œuvre, et on
les recouvre d'une grande quantité de terre ; le parement est formé de
grosses pierres encastrées dans les intervalles dont nous venons de
parler. Ce premier rang solidement établi, on élève par-dessus un
deuxième rang semblable, en conservant le même intervalle de deux pieds
entre les poutres, sans que cependant pour cela elles touchent celles du
rang inférieur, mais elles en sont séparées par un espace de deux pieds
aussi, et chaque poutre est ainsi isolée de ses voisines par une pierre,
ce qui la fixe solidement. On continue toujours de même jusqu'à ce que le
mur ait atteint la hauteur voulue. Ce genre d'ouvrage offre un aspect
varié qui n'est pas désagréable à l'œil, avec son alternance de poutres
et de pierres, celles-ci n'en formant pas moins des lignes continues qui
se coupent à angle droit ; il est, de plus, très pratique et parfaitement
adapté à la défense des villes, car la pierre le défend du feu et le bois
des ravages du bélier, celui-ci ne pouvant ni briser ni disjoindre une
charpente où les pièces qui forment liaison à l'intérieur ont en général
quarante pieds d'un seul tenant.
Ainsi, un murus gallicus est une construction en terre solidifiée par un
empilement de couches entrecroisées de poutres horizontales liées les
unes aux autres, le tout protégé par un parement de pierres sèches. La
porte était le passage obligé des chariots, des marchands, des cavaliers
et des troupes militaires. Sa conception illustre le principe décrit par
César, mais dans une version ostentatoire, puisqu'elle intègre des blocs
de grès rouge taillés, entre lesquels apparaissent les emplacements des
tirants de bois évoqués par le général romain. Large de sept mètres, le
couloir d'entrée a conservé la surface de roulement d'origine, marquée de
profondes ornières laissées par le passage répété des chariots.
L'entrée porte les stigmates d'un incendie, sous la forme de vestiges de
bois carbonisés et de traces de feu sur le sol et les pierres. Des
dizaines de clous – certains d'apparat – ont été retrouvés et certaines
traces mises au jour au cours des fouilles appartiennent sans doute aux
vantaux de la porte massive qui fermait le couloir. Les empreintes de
grands poteaux de bois conservées dans le sol et engagés dans les murs
préservés, suggèrent en outre l'existence d'une construction d'entrée qui
permettait le contrôle de la circulation, puisqu'il surmontait le porche
par lequel on entrait dans la ville.
Il est vraisemblable que l'incendie qui a ravagé cette porte monumentale
soit lié à l'un des épisodes contés par Jules César. Ce dernier écrit
qu'afin de gêner la progression des légions vers Avaricum, (Bourges, la
capitale biturige) en les privant de ravitaillement, 20 villes du peuple
gaulois des Bituriges ont été incendiées au printemps 52 sur ordre de
Vercingétorix. Parmi ces villes ainsi sacrifiées, celle que protégeait la
forteresse de Chateloy, serait la première identifiée par les
archéologues.