Les Gaulois sont à la mode. Notamment l’été où de nombreux numéros spéciaux de magazines leurs sont consacrés, ce mois-ci encore dans Sciences et Avenir sur « l’art de la guerre. ». Le plus souvent, il s’agit de démontrer que l’image traditionnelle et popularisée par Astérix est loin de la réalité. Un révisionnisme permanent et souvent plein d’arrière- pensées. L’identité gauloise est, fréquemment, diluée sinon niée alors, que sa culture, présentée comme ouverte, est magnifiée.
Les découvertes récentes sont indiscutables. C’est leur interprétation, par rapport à l’idéologie dominante, qui est suspecte. C’est pourquoi, dans tous ces dossiers passionnants, il faut se servir de son esprit critique et faire le partage entre les nouveautés incontestables et les extrapolations idéologiques.
Il est certain qu’une civilisation celte, originale dans ses diversités, a été brisée en Gaule par la conquête romaine. Une fracture de l’histoire comparable à celle subie par les Incas ou les Aztèques, pendant la conquête espagnole. La civilisation gallo-romaine, qui a émergé, a été un syncrétisme et aussi tout autre chose. On peut le regretter ou s’en féliciter, mais pas s’en lamenter ou porter des jugements moraux, car l’histoire ne fait pas de morale. Contrairement à ce que l’on répète hypocritement tous les jours.
Il y a, en Amérique latine, un courant politique indianiste qui rêve de grandeur passé ; pour autant, le monde pré-colombien a été englouti et ne revivra jamais à l’identique. La fidélité à la plus longue mémoire est une obligation d’identité, mais ne doit pas sombrer dans un romantisme stérile. Il en est de même pour les Celtes et les Gaulois. Cependant, plus on reconstitue ce qui fut, plus on prend la mesure d’un passé qui est un formidable héritage. Une récente découverte, très bien décrite par Le Monde, confirme que les Gaulois n’étaient pas des sauvages vivant dans des huttes et des forêts impénétrables, qu’ils étaient non seulement des guerriers farouches mais, en plus, des hommes d’urbanité..
Une découverte qui repose l’interrogation sur la capitale des Arvernes
Cette découverte fantastique a révélé, sous un théâtre romain, l’existence d’un théâtre gaulois, donc antérieur à l’arrivée des légions. Un théâtre où on ne jouait peut être pas des pièces à la mode grecque ou romaine, mais où on se réunissait, peut être, pour débattre ou écouter les traditions orales des druides. Un théâtre pour des assemblées politiques, un palais de justice, le centre décisionnel où sont rendues les décisions des magistrats élus, chargés des affaires civiles et militaires différenciés dans une conception tripartite du pouvoir religieux. Que le courage cohabite avec le raffinement est signe d’une vraie civilisation.
Ce théâtre a été découvert sur le site archéologique de Puy de Corrent, situé à une quinzaine de kilomètres au Sud-est de Clermont-Ferrand. Il recèle de nombreux vestiges datés, depuis le Néolithique (troisième millénaire avant J-C) jusqu’à la fin de l’époque romaine (quatrième siècle après J-C).
Au premier siècle avant notre ère, c’est le siège d’une grande ville gauloise : un oppidum, vaste de plusieurs dizaines d’hectares, dont l’importance est signalée par la présence de milliers de pièces de monnaie et de tessons d’amphores à vin, importées d’Italie. Les fouilles, menées depuis 2001, se concentrent sur le centre de l’agglomération, occupé par un vaste sanctuaire environné de quartiers d’habitation.
Au temps de la liberté celte, où était Gergovie?
Ce « téatron » est la preuve de l’existence d’un édifice publique que l’on croyait jusque là impensable en Gaule. C’est, peut être, ici que Vercingétorix a retourné l’opinion publique, plaidant devant son peuple arverne contre la soumission à Rome. En tout cas, cela renforce ceux qui font de Puy en Corrent la capitale des Arvernes, peuple du Massif central et l’un des plus puissants de la Gaule centrale, s’opposant à plusieurs reprises à la puissance romaine. Les Arvernes ont légué leur nom à l’Auvergne. Leur nom signifierait « ceux qui sont supérieurs ».
Car si tout le monde connaît Gergovie, César n’a jamais mentionné la ville comme la capitale arverne. Par contre, après l’intégration du territoire des Arvernes à la nouvelle province d’Aquitaine, les Romains en ont transféré la capitale. Nommée Nemossos par Strabon elle est déplacée à Augustonemetum, actuelle Clermont-Ferrand, vers la fin du Ier siècle av. J. C. : Aujourd’hui, un seul vestige antique est encore visible dans la ville, il s’agit du « Mur des Sarrazins », ainsi nommé à l’époque médiévale.
L’actuelle Gergovie est un village français, dépendant de la commune de La Roche-Blanche, dans le Puy-de-Dôme, à quelques kilomètres au sud de Clermont-Ferrand et situé au pied du plateau de Gergovie, considéré comme le lieu officiel, mais controversé, de la bataille. Gergovie fut incontestablement le nom d’une ville de la Gaule antique où eut lieu la bataille opposant, à proximité de la cité arverne de Nemossos (terme gaulois désignant un « bois sacré »), les Arvernes et d’autres peuples, rassemblés sous la conduite de Vercingétorix, aux légions romaines de Jules César en -52. Ce lieu est désormais placé, par les chercheurs, sur le plateau dit de Merdogne.
Mais était ce une place forte ou la capitale ?
Peut-on penser qu’il y a eu plusieurs capitales successives ou imaginer plusieurs centres de pouvoirs, selon la famille dominante? Gergovie, lors de la guerre des Gaules, se trouvait sur un plateau qui domine l’actuelle ville de Clermont-Ferrand. Mais il y a d’autres possibilités : dans les oppida de Corent et/ou de Gondole.
Les fouilles menées sur ces sites ont abouti à des découvertes exceptionnelles : sépultures collectives de chevaux et de cavaliers (liés à la guerre de -52?), enceinte religieuse destinée aux banquets (œuvres d’évergètisme de la part des rois arvernes), avec temples, mobilier monétaire et restes d’offrandes (ossements animaux et amphores). Sans oublier le théâtre de Corent, effacé par le théâtre gallo-romain, comme pour effacer une mémoire d’histoire. De la même manière que les églises sont bâties sur des lieux de culte païens.
Il faut creuser pour se retrouver. Le théâtre en forme de fer à cheval, inconnu à Rome, puis devenu une marque de la civilisation gallo-romaine, en apporte une nouvelle preuve. Le vainqueurs cherchent à écrire l’histoire, puis à effacer les fiertés du vaincu. Sous Rome et ses merveilles : la Gaule et les siennes.
source
Dim 23 Oct - 19:45