Encore plus de déficits
Dans une démocratie, les politiciens ne peuvent s’empêcher de promettre plus que ce qui est véritablement en leur pouvoir. Même si le système est biaisé afin de pouvoir continuer à respecter son modèle d’origine, et même si à chaque scrutin les électeurs sont amenés à devoir choisir entre des options quasi-identiques, tout politicien cherchant à conserver son emploi ou à améliorer ses perspectives personnelles et professionnelles s’évertue à être considéré par les électeurs comme le moins mauvais des choix à faire. La grande similitude, à l’intérieur des partis, et entre les partis et les politiciens, est ainsi à l’origine d’un environnement très concurrentiel qui enourage les politiciens à étirer et à déformer la vérité, voire à mentir purement et simplement avant une élection, quitte à avoir par la suite à se soucier de masquer les promesses non tenues une fois (de retour) aux affaires.
Toute tentative visant à réduire les déficits budgétaires sera découragée par la crainte des conséquences économiques susceptibles d’entraîner des troubles sociaux. Il faut bien reconnaître que la discipline, la retenue et les privations sont une véritable abomination pour une culture de consommation. Les élections qui ont lieu tous les quatre ou cinq ans renforcent l’aveuglement général en permettant d’éviter la douleur et en créant l’illusion d’une reprise entre chaque scrutin, lequel aura la priorité sur la fondation d’une économie stable sur le long terme. Ainsi, pour 2011, la priorité sera donnée au regonflement des bulles spéculatives et aux solutions rapides, en utilisant tous les subterfuges imaginables pour maintenir les indicateurs économiques aussi longtemps que le parti au pouvoir le restera. La méthode la plus évidente et électoralement payante pour y parvenir est de creuser les déficits ou, exprimé plus honnêtement, de recourir à la création monétaire, qui permet aux hommes politiques en place de dépenser immédiatement, sans augmenter les impôts ou réduire les programmes sociaux, tout en reportant les conséquences (impôts et inflation) jusqu’à après les prochaines élections.
Bien qu’il y ait une certaine inquiétude dans l’opinion par rapport au niveau élevé de la dette, et même si le renflouement des banques a provoqué la colère du peuple, les difficultés économiques que vivent actuellement les citoyens sont toujours associées à la récession, un phénomène économique récurrent aux causes variables et nébuleuses. Par conséquent, même si l’on peut penser que le pouvoir des politiciens va subir une perte supplémentaire de prestige (principalement due à leur incapacité à relancer l’économie assez rapidement), tout porte à croire que ceux-ci seront en mesure de gérer le déclin une année supplémentaire.
Encore plus d’impôts
Les citoyens se sont habitués à des niveaux extrêmement élevés de dette publique ces dernières années. Qu’il n’y ait pas encore eu de soulèvement de masse est peut-être dû en partie au succès du maintien des illusions économiques et à la capacité des économies occidentales à se reposer sur leurs lauriers. Le montant inimaginable de la dette et l’incapacité du public à comprendre les conséquences personnelles de ces chiffres colossaux restent également des éléments d’explication. Pourtant, même si le sujet a cessé d’être objet à controverses, la vitesse de croissance de la dette peut encore temporairement poser des problèmes aux politiciens. Pour l’instant, cela met une limite (constamment repoussée) à la somme d’argent qui peut être imprimée, ce qui signifie que l’excuse de la réduction du déficit continuera à être utilisée afin de lever des impôts toujours plus élevés. Cette mesure étant impopulaire, l’accent sera mis sur la dissimulation de l’augmentation réelle de ce fardeau en utilisant des méthodes indirectes. En 1997, Tony Blair avait été élu au Royaume-Uni après avoir assuré à la classe moyenne que son parti ne tolérerait pas une quelconque confiscation de revenus par un gouvernement fiscalement hostile et irresponsable. Malgré cela, la charge fiscale s’est tout de même alourdie par une pléthore de taxes indirectes et invisibles, qui ont été régulièrement augmentées alors que l’impôt sur le revenu a été maintenu au même niveau, voire ramené à un niveau légèrement moindre.
Si vous pensez que la charge fiscale est lourde aujourd’hui, elle pourrait bien dans le futur être considérée comme anodine en comparaison avec ce qui pourrait advenir. En 1932, le taux maximal d’impôt sur le revenu aux États-Unis avait été porté à 63% et augmenté de façon constante jusqu’à la taxation de 94% de tous les revenus supérieurs à 200 000 dollars en 1945. Pire encore, le taux le plus élevé était resté autour de 90% jusqu’en 1964. Au Royaume-Uni, l’impôt sur le revenu des particuliers a atteint 98% des gains supérieurs à 20 000 livres sterling (équivalant à 155 247 £ ou 168 000 € en 2010) : 83% pour un revenu normal, et un supplément de 15% pour les revenus provenant de dividendes et d’investissements. Bien que nous soyons encore loin de tout cela, nous pouvons imaginer qu’avec une série assez grave de crises de panique et, peut-être, une guerre, les politiciens pourraient bien se trouver prêts, s’ils n’y sont pas contraints par les circonstances et/ou la gauche radicale, à considérer ce genre de spoliation fiscale .
Encore plus d’inflation
Même atténué par l’augmentation de la fiscalité, le creusement du déficit (financé par la création monétaire), restera un instrument de choix : d’une part, les impôts ne peuvent être portés au-delà d’un certain point avant de mener à la révolte ; d’autre part, le déficit budgétaire dans le secteur public reste une grande énigme pour la majorité des gens et leurs préoccupations quotidiennes. Les conséquences, qui ne se font sentir que des années plus tard, peuvent être reportées encore par la création des fonds supplémentaires, et ne sont pas généralement attribuées par l’opinion publique à la fameuse planche à billets. Néanmoins, lorsque l’offre de monnaie augmente plus vite que l’offre de biens et de services, la valeur de la monnaie diminue, et les prix s’ajustent à la hausse. De très importantes quantités d’argent ont été imprimées depuis le début de la crise financière actuelle en 2007, et la Réserve fédérale américaine, agissant en son nom propre, a imprimé beaucoup plus que par le passé connu ou imaginé dans le cadre de sa politique de renflouement des banques étrangères aux Etats-Unis. On estime ainsi que ce sont environ 2 480 000 000 000 euros qui ont été artificiellement crées, soit l’équivalent du produit intérieur brut (PIB) de l’Allemagne. Une grande partie de cet argent reste stockée dans les entrailles du système bancaire. Si et quand il sera finalement libéré, on peut s’attendre à de forts ajustements à la hausse du prix des biens de consommation et des services. Nous n’allons pas nécessairement revivre les scénarios de l’Allemagne de Weimar ou du Zimbabwe, et si nous devons nous en rapprocher cela pourrait encore prendre des années pour y arriver, mais nous allons inévitablement assister à une augmentation du « coût de la vie » par rapport aux revenus en 2011.
Alex Kurtagic pour Alternative Right
Traduction : Roman Bernard et Marion Messina
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